La première année d’enseignement passa comme un coup de vent. En plus de la préparation de mes 7 ou 8 cours différents, des réunions syndicales et départementales, de la recherche de matériel pédagogique, de l’écriture des plans de cours, j’avais une vie privée. Bref ça pédalait ! Je mettais la clé dans la porte de mon bureau tous les quinze jours, direction Montréal. J’occupais un minuscule bureau neuf, qui comprenait un classeur, une table lumineuse à diapositives, une chaise et un petit bureau de travail. Fait plutôt cocasse, il était installé dans une ancienne toilette des curés, à l’étage des Arts, juxtaposé aux autres bureaux qui pouvaient être des chambres à l’époque du Petit Séminaire. Amusant, pour une mécréante féministe d’occuper un espace réservé à l’intimité des hommes d’une époque révolue. Un signe des temps sans doute : une nouvelle répartition des espaces privés et publics entre les femmes et les hommes s’amorçait en éducation et dans la société. Fini la séparation des sexes à l’exception de certaines écoles privées et quelques clubs sélects. Un autre signe tangible de notre Rapide Révolution Tranquille, c’est la transformation architecturale. L’ancienne chapelle était transformée en bibliothèque comme dans la majorité des anciens Cégep qui étaient pour la plupart d’anciens petits séminaires. C’est le scandaleux pamphlet Les Insolences du frère Untel publié en 1960, vendu à plus de 130 milles exemplaires, qui annonçait à sa manière, le Ministère de l’Éducation, la Révolution Tranquille et la création des Collèges d’enseignement général et professionnels (CEGEP) en 1967, l’année de l’Expo Terre des hommes. Cette mutation s’est opérée rapidement parce qu’il y avait une armée de prêtres, de religieux et de religieuses qui n’attendaient que cela pour prendre la clé des champs. Tous ces postes à combler dans la plupart des institutions leur assuraient un avenir intéressant : liberté sexuelle, salaire et allègement du vœu d’obéissance. Le fruit était mûr quand le charismatique Paul-Guérin Lajoie est devenu Ministre de l’Éducation. Le Québec opéra alors ce rattrapage culturel et éducationnel salutaire, surtout pour les filles qui avaient peu accès au cours classique et aux études supérieures dominées par le clergé catholique.
Suite à cette année scolaire coup de vent, durant l’été, lors d’un voyage familial en Suisse, se développa dans mon esprit l’idée du divorce qui s’est conclu à l’amiable l’année suivante. Il m’a suffi de signer le formulaire juridique que mon conjoint avait préparé. Le fiston est alors venu vivre avec moi durant deux ans avant de retourner vivre avec son père.