Irène Durand, Esther Morrissette et Robert Michaud UQAR
En retrouvant cette photo, j’ai été très surprise d’y voir mon professeur de Bible Robert Michaud ainsi que Esther Morrissette. Maintenant je me souviens. Je continuais de me perfectionner en histoire de l’art occidental. Comment comprendre la peinture, la sculpture, l’architecture, les arts décoratifs, sans comprendre l’origine des mythes fondateurs et archétypes auxquels ils ont donné naissance ? C’est avec l’éminent spécialiste de la Bible, l’abbé Robert Michaud que j’ai fait cette initiation biblique à l’UQAR. Une belle rencontre avec un grand humaniste. Il avait développé un système de pensée qui tournait autour de l’idée que les sociétés adaptent et adoptent les cultures religieuses. Adapter et adopter, deux notions à prendre en considération dans l’étude des religions, mythes, légendes et archétypes. Un exemple récent dans l’histoire de la chrétienté : en 1950 le pape Pie XII, a imposé le dogme de l’Assomption de Marie au ciel. Ainsi, l’Église s’adaptait à la montée du féminisme dans le monde et au fait que la croyance populaire à la Déesse-Mère était toujours vivante. Il est amusant de savoir que le dogme précise que Marie est montée au ciel par l’intercession divine alors que son fils est monté tout seul comme un grand. Incroyable !
Mon intérêt pour la Bible était canalisé vers la représentation ou non des divinités, leur transformation, leur réappropriation et leur évolution stylistique, ainsi que les lieux de culte qui leur étaient dédiés. On connaît bien les représentations des divinités depuis la préhistoire, notamment chez les égyptiens et les grecs, alors qu’une tribu d’Israël, qui deviendra le peuple du Livre, imposait l’interdiction de représenter la divinité « irreprésentable », ce qui permettait d’éviter l’idolâtrie. Ce bref raccourci biblique met en perspective le fait que le principe de « non représentation » fut conservé de façon dominante dans le Judaïsme et l’Islam. Il s’en fallu de peu pour que le christianisme suive cet interdit. Le combat théologique fut très sérieux car ce principe de « non représentation » n’était pas partagé par tous les religieux en haut de la hiérarchie chrétienne et orthodoxe. C’est ce qui explique que la querelle des iconoclastes ait déchiré l’Empire bysantin aux VIIIe et IXe siècle, après les querelles sur la nature de Dieu. Les iconodules (iconophiles) ont fini par gagner ce grand débat idéologico-théologique. Je vous épargne tous les détails sur la dimension pédagogique, économique et magique de l’icône qui se perpétue de façon traditionnelle dans les pays de culture chrétienne orthodoxe. Ce schisme nous montre qu’il n’est pas facile de s’entendre, quel que soit notre place dans la hiérarchie, lorsqu’il s’agit de parler de Dieu, de le montrer, de le démontrer, ou simplement de l’évoquer. Comme en politique, certains mots soulèvent des passions incontrôlables parce qu’il est question de POUVOIR.
Réappropriation, réinterprétation, adaptation, transformation, évolution du mythe ?
Avec le temps et la science aidant, la représentation du divin évolua en Occident vers plus de réalisme et fit un bon considérable à la Renaissance italienne (volume, proportion, perspective, singularité des individus, disparition des auréoles, etc.). Les génies Michel-Ange et Léonard de Vinci, stars rivales de l’histoire de l’art, ainsi qu’une multitude d’artistes révolutionnèrent le mode de représentation du Divin en l’incarnant en chair et en os. Pensons à la Vénus de Botticelli qui se justifiait théologiquement comme une synthèse de la Vierge Marie et de la Déesse-Mère qui émergeait de l’eau. Cette métamorphose de la pure et chaste vierge Marie évolua jusqu’à l’extravagante et rebelle Madonna. Depuis la Renaissance, des caractéristiques humaines sont attribuées aux divinités chrétiennes, malgré certaines résistances du clergé à différentes époques. Pour les besoins du mythe, les divinités, tout en s’incarnant, conservent des pouvoirs magiques leur permettant de monter au ciel avec leur corps : Résurrection, Ascension, Assomption, Transfiguration.
Grâce à l’analyse des mythes religieux et des images, on comprend mieux comment sont formatés nos cerveaux. Ainsi la pensée humaniste issue de la culture chrétienne, telle qu’on peut l’observer à travers l’histoire de l’art, est constamment en évolution grâce aux développement technologique. Avec le daguerréotype, premier procédé photographique commercialisé et acheté par l’État français en 1839, ainsi que la premières projection de film présenté au public par les frères Lumières en 1895, se mettait en place la civilisation de l’image. Ces procédés technologiques qui n’en finissent plus de se complexifier permettent désormais de voyager autant dans les mythes du passé que dans ceux du futur. Ces mythes adoptent et adaptent les archétypes fondamentaux au parfum du moment, de la mode locale ou internationale. Par conséquent l’économie de l’attention dans laquelle une armée de concepteurs, créateurs, artistes, producteurs, réalisateurs, accompagnés d’une multitude de métiers reliés à l’image, sont tous en compétition dans le marché local, national ou international. Le système capitalisme intrinsèquement relié au marché des images est toutefois plutôt libre puisqu’il se réclame de l’idéologie de la liberté et du libéralisme. C’est dans ce contexte de réflexion sur l’évolution des mythes et des représentations des mythes que je mijotais ma première exposition-performance qui eut lieu dans la librairie Vénus de Rimouski. Pour la suite de mon histoire, je dois sortir de mon locker le coffre contenant mon CV et des photos de l’événement.
J’ouvre le cadenas qui verrouille la porte grillagée de mon locker au sous-sol.